Dans un livre maintenant assez ancien, Hannah Arendt explique l'ère pré-Nixon et une partie de l'ère Nixon par un déni systématique (de la part des politiques, des militaires, et d'une partie de la société) de la réalité du monde, remplacé par un monde virtuel au sein duquel la victoire sur le Vietnam devenait nécessaire, voire justifiable [1]. En lisant ce livre en 2020 -- car je voulais m'informer plus avant sur les causes du scandale des Pentagon papers, puis du Watergate -- je me rends compte que les biais décrits par l'auteure sont bien présents dans la société d'aujourd'hui et que son analyse est restée fort actuelle. Une question que je me pose est la suivante: les nombreuses hypothèses du complot, dégainées et déclinées dans tous les domaines et qui peuvent être très farfelues, souvent dans le but de maintenir une vision fausse du monde, ne peuvent-elles pas -- en partie -- être expliquées par la description du monde d'Hannah Arendt ? Je m'explique: si le monde que l'on perçoit est éloigné du monde réel, et forme donc un monde virtuel au sein duquel le système de pensée qui y habite est très déformé, n'aura-t-on alors pas tendance à se raccrocher à toute hypothèse, même un peu délirante, pour conserver sa vision du monde ? Il semble presque normal, dans ce contexte, de nier tout ce qui pourrait remettre en question ce monde virtuel (existence du covid-19, du dérèglement climatique, etc) ? Il est évident que le monde réel n'est jamais perceptible en totalité, et cela on l'a déjà énoncé dans l'Antiquité. Mais cela ne me semble pas enlever à cette petite analyse sans prétention. [1] https://en.wikipedia.org/wiki/Crises_of_the_Republic
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